La bière Triple est un styles emblématique de la tradition brassicole belge. Elle est étonnement buvable pour son taux d’alcool élevé. Elle doit cette prouesse à sa combinaison unique entre une douceur maltée et une amertume rafraîchissante, le tout enveloppé d’une belle complexité aromatique.
Mais d’où vient cette bière ? Depuis quand est-elle produite ? Pourquoi l’appelle-t-on Triple ?
Voici autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans cet article.

🧪 Aux Origines de la Triple : Hendrik Verlinden et la Witkap Pater
Dans les années 1930, Hendrik Verlinden, ingénieur brasseur et auteur du livre Praktisch handboek der gisting-industries (Manuel pratique des industries de la fermentation), joue un rôle clé dans l’évolution du style. Il est conseiller consultant pour les brasseries Alken et pour l’abbaye de Westmalle. Il fonde également sa propre brasserie, De Drie Linden, à Brasschaat, au nord d’Anvers.
En 1932, Verlinden crée la « Witkap Pater = Trappistenbier », une bière plus claire et plus forte en alcool que les traditionnelles « Doubles » monastiques de l’époque. Bien que l’on utilise pas encore le terme « Triple », il a posé les bases du style que nous connaissons aujourd’hui.
La Witkap Pater
Witkap Pater = Pères au capuchon blanc
En référence au bonnet blanc porté par les moines.
À partir de 1979, Hendrik Verlinden délocalise la production à la Brasserie Slaghmuylder à Ninove. 2 ans plus tard, Slaghmuylder reprend officiellement la marque et les recettes. Les bières sont toujours commercialisées aujourd’hui (la recette a elle, un peu évolué).
« La Witkap-Pater Tripel (Alc. 7,5%) est une bière jaune d’or limpide, au goût très complexe, à l’odeur fruitée et à l’arrière-goût agréable et long. Pour les connaisseurs, il s’agit d’une bière délicate. … « _ extrait du site web : Witkap.be
🍺 Westmalle : De la Superbier à la Triple
Inspirée par le succès de la Witkap Pater, l’abbaye de Westmalle lance sa propre bière forte blonde, la « Superbier », en 1934.
C’est en 1956, après des ajustements de recette par le frère Thomas, qu’ils rebaptisent cette bière « Triple », officialisant ainsi le nom du style
Pour plus d’information sur l’abbaye de Westmalle : https://www.trappistwestmalle.be/fr/

🕵️♂️ Les Mythes Autour du Terme « Triple »
Tout cela ne nous dit toujours pas pourquoi on parle de Triple.
Certains parlent du nombre de croix sur les tonneaux de bière du Moyen-âge.
D’autres mentionnent les 3 fermentations nécessaire pour sa fabrication.
Creusons un peu.
❌ Trois Croix sur les Tonneaux
Une légende suggère qu’au Moyen Âge, on marquait les tonneaux avec des croix. Ces croix indiquaient la force de la bière : une croix pour la plus légère, jusqu’à trois pour la plus forte. Cette histoire est populaire, mais elle n’est pas confirmée historiquement.
❌ Trois Fermentations
Une autre idée reçue est que le terme « Triple » fait référence à trois fermentations : primaire, secondaire et en bouteille. Cependant, ce processus est commun à de nombreuses bières et ne justifie pas à lui seul l’appellation « Triple ».
Arrêtons le suspens
✅ Pourquoi « Triple » ?
Une autre explication circule également : une Triple contiendrait trois fois plus de céréales.
C’est l’explication qui se rapproche le plus de la réalité.
En effet, la quantité de sucres fermentescibles (fermentés par la levure pour donner de l’alcool) pour brasser une bière Triple est trois fois plus importante. Mais attention, ces sucres ne viennent pas uniquement du malt d’orge. Pour brasser une bière Triple, en plus du malt d’orge, on ajoute du sucre (souvent sucre candi) dans les cuves de fermentation.
Retrouvez toutes les informations sur la fabrication de la bière dans mon article complet : La fabrication de la bière : toutes les étapes, de l’orge à la chope !
Dans une Triple il y a trois fois plus de sucres fermentescibles avant fermentation.
📚 Un peu d’histoire _ Simple, Double, Tripe, Quadruple _ une ancienne référence
Un peu d’histoire _ Simple, Double, Tripe, Quadruple _ une ancienne référence
Comme on l’a vu plus haut, on brasse déjà ce type bières (les 1ères bières fortes blondes et dorées) avant que Westmalle ne décide de les appeler Triple.
Westmalle s’est inspiré des anciens livres de brassage.
Les anciens livres de brassage nous racontent qu’à l’époque médiévale, le premier moût (mélange eau et céréale _ tous les détails dans l’ article sur la fabrication de la bière) s’appelait aussi premier métier.
La bière qui en résultait était une bière ‘de qualité supérieure’ réservée aux plus fortunés. Généralement appelée « double« .
Les drêches (restes des céréales) contenant encore du sucre, on y ajoutait à nouveau de l’eau chaude, pour extraire un deuxième moût, appelé « deuxième métier« . Celui-ci donnait une bière plus légère qu’on appelait « simple ».
À cette époque, ces termes ne sont pas liés à des styles de bière. Mais plutôt pour différencier deux versions d’une même recettes (styles). La version simple (le 2 ème métier) et la version double (le 1er métier).
Westmalle s’est donc inspiré de ces terminologies déjà existantes (simple et double) pour appeler sa ‘bière forte blonde dorée’ une Triple.
Par la suite le terme quadruple sera également utilisé.
Note : Pour une exploration approfondie des caractéristiques gustatives et des méthodes de brassage des bières Triples, restez à l’écoute pour notre prochain article.
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